Après deux élections, la France reste divisée politiquement. Les chrétiens peuvent-ils changer les choses ?

Après deux élections, la France reste divisée politiquement. Les chrétiens peuvent-ils changer les choses ?

Comme partout ailleurs en France, les évangéliques français se sont rendus aux urnes dimanche pour le second tour des élections législatives, dans un contexte de confrontation entre l'extrême droite et le reste du pays. Le Nouveau Front populaire, une nouvelle coalition fragile de partis de gauche, a formé un « front républicain » avec les partis centristes alliés au président Emmanuel Macron. Si cette stratégie a permis au Rassemblement national de Marine Le Pen de conserver la troisième place, ni les partis de gauche ni les partis centristes n'ont obtenu la majorité absolue à l'Assemblée nationale, une situation qui risque d'entraîner de nombreuses impasses politiques dans les mois à venir.

Les évangéliques français ne représentaient qu'une infime partie des électeurs présents dimanche; environ 60 pour cent de tous les électeurs du pays de près de 68 millions d'habitants se sont présentés, soit le taux de participation le plus élevé depuis 1981. À 745 000, le nombre d'évangéliques a augmenté de près de 100 000 ces dernières années, mais reste nettement marginal.

Malgré la taille de leur communauté, les dirigeants évangéliques français se sont régulièrement penchés sur les défis qui affectent leur pays, notamment en exprimant leurs inquiétudes concernant l'islam et la liberté d'expression, en s'exprimant sur un projet de loi visant à mettre fin au séparatisme musulman qui pourrait faire des églises des victimes collatérales, et en exprimant leurs valeurs pro-vie après que le pays a inscrit l'avortement dans la constitution.

A l'approche du premier tour des élections du 30 juin, qui a précédé le second tour d'hier, le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) a appelé les croyants à prier, à faire preuve de discernement et à voter.

« La politique ne peut pas tout faire », affirme le communiqué, soulignant qu’en ces temps troublés, les évangéliques dont l’espérance ultime est en Dieu doivent agir conformément à leur espérance et « être des catalyseurs de paix, des semences de vie, des acteurs de réconciliation et d’hospitalité ».

Compte tenu du moment historique que traverse la politique française et de la présence électorale minuscule des évangéliques, Christianity Today a demandé aux dirigeants chrétiens quel rôle les évangéliques français peuvent jouer dans une époque aussi difficile.

Erwan Cloarec, président du CNEF

En cette période de division et de confusion nationale, les Églises de France doivent, plus que toute autre chose, montrer par ce qu’elles sont qu’une autre société est possible – une société dans laquelle les divisions d’origine, de genre et de condition sociale qui fracturent l’humanité ne prévalent pas.

C’est ce que signifie « ni Juif ni Grec, … ni esclave ni libre, … ni homme ni femme » dont parle l’apôtre Paul dans sa lettre aux Galates (3:28, LSG). Nous devons cet exemple au monde et nous nous devons à nous-mêmes de veiller à ce que les divisions et les invectives qui affligent la société mondiale ne soient pas importées dans nos communautés.

Rachel Calvert, présidente d'A Rocha France

De nombreuses églises évangéliques françaises rassemblent des personnes d'horizons politiques, ethniques et socio-économiques divers. Dans ce climat politique fracturé, notre contribution doit consister à servir ceux qui ne sont « pas comme nous » ainsi qu'à prendre soin concrètement de la création de Dieu.

Nous sommes attristés par la montée en puissance d’un parti qui a séduit les électeurs en leur promettant une aide à court terme, tout en faisant des migrants des boucs émissaires et en ignorant largement les problèmes à long terme tels que la perte de biodiversité, la dégradation de l’environnement et l’impact du changement climatique. Pourtant, nous pouvons et continuerons à témoigner du Dieu qui réconcilie toutes choses avec lui-même en Jésus.

Matthew Glock, missionnaire, pasteur et coordinateur de la commission d'implantation d'églises de la CAEF (Communautés et Assemblées Évangéliques de France)

Les élections anticipées convoquées par le président Macron offrent un aperçu du désordre de la politique française et du déplacement inéluctable de nombreux électeurs vers les extrêmes du spectre politique. Il est difficile d’imaginer, dans cette réalité politique nationale, quel rôle les évangéliques en France pourraient jouer, mais au niveau local, il y a beaucoup à faire.

La meilleure façon d’offrir de l’espoir en ces temps de confusion est de suivre le commandement de Jésus-Christ : « Aime ton prochain comme toi-même. » En suivant l’exemple d’amour sacrificiel du Christ, l’Église a beaucoup à offrir.

Caroline Bretones, pasteure de l'Église protestante unie de France

Persécutés depuis plus de deux siècles et très minoritaires, les protestants ont appris à vivre discrètement en France tout en développant un sens aigu des responsabilités, une liberté de conscience et un engagement social. S’ils ont un rôle déterminant à jouer aujourd’hui, ce n’est pas en faisant des déclarations publiques qui diabolisent certains partis tout en stigmatisant implicitement leurs électeurs, mais en continuant à fédérer des hommes et des femmes extrêmement divers (ethniquement, culturellement, socialement et professionnellement) autour d’une espérance chrétienne qui transcende les différences. [not only] des divisions humaines mais aussi des frustrations et des solutions faciles.

En tant que chrétiens, notre appartenance commune au Royaume de Dieu doit primer sur toute autre citoyenneté de ce monde et nous permettre d’ouvrir des espaces de dialogue et de communion là où les divisions menacent.