Les spécialistes de l’Ancien Testament parlent généralement de deux grands courants narratifs historiques : l’Histoire deutéronomiste (ci-après DH – Josué, Juges, 1 et 2 Samuel et 1 et 2 Rois) et l’Histoire du Chroniqueur (ci-après CH – 1 et 2 Chroniques, Esdras et Néhémie). En termes généraux, la première est une histoire d’Israël selon une perspective qui reflète les points de vue préexiliques et exiliques, et la seconde selon une perspective généralement postexilique. Par exemple, la DH retrace l’histoire d’Israël à la lumière de sa fidélité, ou de son manque de fidélité, à la loi, l’alliance mosaïque. L’échec de la nation dans son ensemble à vivre selon cette alliance a conduit à l’exil comme un jugement pour idolâtrie en série. La CH comprend l’exil comme un jugement sur Israël pour son échec à « rechercher le Seigneur » et pour « l’abandonner » (voir ci-dessous sous « But et thèmes »). Ce ne sont pas des concepts qui s’excluent mutuellement, mais une question de perspective. Bien que ce contraste soit utile pour identifier différents thèmes et emphases (en particulier lorsque les deux histoires se chevauchent), de sérieuses questions se posent sur la notion d’un seul « historien deutéronomiste » et sur l’identité du « chroniqueur ».
La tradition juive, suivie par un certain nombre d'érudits et de commentateurs ultérieurs, attribue la paternité des livres des Chroniques à Esdras, prêtre et scribe (Esd 7,1-6), auteur du livre du même nom (et probablement auteur de Néhémie). L'argument le plus convaincant en faveur de cette tradition est que les derniers versets de 2 Chroniques (2 Ch 36,22-23) contiennent des mots identiques à ceux des premiers mots du livre d'Esdras (Esd 1,1-3). De plus, l'analyse interne des livres des Chroniques montre clairement qu'il y avait un auteur unique qui utilisait une variété de sources, une personne qui connaissait intimement le temple et les services qui y étaient tenus (cf. 1 Ch 23, 24 ; 2 Ch 2-5). Il y a une cohérence dans le style littéraire et le vocabulaire, comme le montrera le commentaire, ainsi qu'une perspective théologique cohérente (cf. Payne, J. Barton, « 1, 2 Chroniques », dans vol. 4 EBC, éd. Frank E. Gaebelein). [Grand Rapids, MI: Zondervan, 1988]305). Cette personne était dans une position unique pour comprendre la nécessité d’un livre tel que les Chroniques et avait également la capacité de l’écrire.
Bien qu’Esdras semble correspondre à tous ces critères, les érudits (évangéliques et autres) sont encore divisés sur la question de savoir s’il est l’auteur de ces livres. L’auteur des Chroniques semble avoir eu des idées différentes de celles d’Esdras. Le Chroniqueur (comme on a pris l’habitude de désigner l’auteur de ces livres) semble avoir eu une vision plus ouverte des mariages mixtes (juifs et non-juifs) qu’Esdras (voir Néhémie 13:26 ; mais il n’y a pas un mot de protestation du Chroniqueur à propos des femmes de Salomon ; 2Ch 8:11). Esdras, Néhémie et ceux qui revinrent de captivité se trouvèrent souvent en désaccord avec ceux qui étaient restés dans le pays pendant la captivité (comme l’illustre plus tard le conflit entre les Samaritains et les Juifs). Pourtant, le Chroniqueur n’a donné aucune preuve d’un tel conflit.
En effet, le Chroniqueur semble avoir intentionnellement inclus dans sa communauté tous ceux qui pouvaient faire remonter leur héritage à l’Israël de la monarchie unie. Bien que son attention se soit portée sur la dynastie davidique et le royaume de Juda du sud, il incluait régulièrement le royaume du nord et, contrairement à l’auteur des Rois, il avait une attitude généralement positive à l’égard de celui-ci. Les tribus du royaume du nord sont souvent incluses lorsqu’il utilise l’expression « tout Israël » ; par exemple, dans la reconnaissance de la légitimité du roi davidique (1Ch 11:3) et de la primauté du temple de Jérusalem comme lieu du vrai culte (1Ch 13:5 ; 28:1 ; cf. 2Ch 30:11, 18-19). Ces différences tendent à s’opposer à l’identification d’Esdras comme le Chroniqueur.
Il semble préférable d’affirmer simplement que l’auteur des Chroniques était probablement un Lévite, ou du moins quelqu’un qui servait dans les services du temple, qui cherchait par son histoire longue mais sélective à apporter encouragement et unité à la communauté juive post-exilique.